Le museau écrasé, les oreilles en colimaçon, la queue en trompette, frêle de l'arrière-train et trapu du thorax, il n'avait rien pour séduire et portait sa dégaine de bâtard avec une triste discrétion. Il était pourtant le chien le plus connu et le plus choyé de toute la contrée, parce qu'il savait chanter le blues.
Des guitaristes du monde entier venaient au bourg pour jouer avec lui, et la magie, toujours, opérait : dès le premier accord, l'animal se mettait à chanter en parfaite harmonie avec les phrases musicales des artistes. Tantôt complaintes, tantôt langoureuses ballades, sa voix soufflait des mélodies d'une beauté déchirante.
C'est après avoir enregistré un titre avec un groupe de rock renommé qu'il fut baptisé Bluesy bulldog par la presse régionale.
Mais le silence l'emporta quand, piégé par les effluves mortels d'un amas d'algues vertes enfermé dans une petite crique inaccessible pour l'homme, on le vit sans défense être absorbé par la marée impétueuse. La mer garda son corps comme sa dernière errance.
Toutefois, les anciens disent que son âme trouva refuge dans les brise-lames de Saint-Malo.
... Voir la vidéo d'une cousine de Bluesy bulldog : Mlle Nobs, en concert avec les Pink Floyd.
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Extrait de Brise-lâmes, un recueil de photo / poésie / contes marins auto-édité avec The BookEdition
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